Les étapes de l’individuation
Les étapes de l’individuation sont celles d’un travail sur soi qui permet de mieux comprendre qui ont est et ce qui nous anime. Quel est notre potentiel, qu’est-ce qui est bon pour nous, vers quoi l’on se dirige…
C’est un processus qui nous accompagne toute notre vie, gage de sagesse et d’épanouissement, une aventure de chaque instant. Dans cet article nous allons voir les étapes de l’’individuation, qui ne saurait démarrer sans deux prises de conscience préalables :
_ prise de conscience du caractère artificiel de sa conception de soi-même,
_ et des limites de la conscience.
Etre seul n’est pas une bonne idée pour traverser les étapes de l’individuation
Pousser la porte d’un psy est un excellent moyen de se lancer et d’être accompagné. Nous verrons les différents pièges qui jalonnent le parcours et demandent une attention soutenue. L’individuation, ses étapes et ses épreuves deviennent alors un mode de vie et l’individu un coureur de fond.
👉Cet article s’inscrit dans la continuité du précédent « L’individuation : devenir Soi ».

Une conception de soi-même artificielle: les limites de la conscience
Je = Moi ?
« Je est un autre. » Cette phrase de Rimbaud est le levier du processus d’individuation. Je-Moi est un autre. Autrement dit le Moi ne contient pas la totalité de l’être. En témoigne le sentiment de dualité que l’on peut ressentir face à nos émotions et à nos fantasmes. Autrement dit, Je-Moi ne me connaît pas totalement tel que je suis mais tel que je veux paraître.
Première étape de l’individuation: la construction du Moi chez le jeune enfant
L’enfant grandit dans une identification au Moi. Car « moi » dans la psychologie infantile permet au bébé de se démarquer de la mère, de l’autre. Donc au début il y a « moi » d’un côté puis l’autre. Ce « à moi » de l’enfant est gage de son unicité, de sa puissance et de son pouvoir d’opposition. Mais aussi de sa solitude face au monde, donc source d’angoisse.
Deuxième étape de l’individuation: la construction de la première Persona à l’adolescence
Quand vient l’adolescence, arrive la question : « qui suis-je vraiment ? ». Pour y répondre, l’adolescent va se construire une première Persona. Cette première Persona est essentiellement basée sur l’apparence. En s’identifiant à tel ou tel style musical et vestimentaire. En piochant dans des modèles : posters de stars de la pop y a vingt ans, influenceurs aujourd’hui.
Parenthèse :
( Les réseaux sociaux favorisent une mise en scène de la Persona et une identification stricto sensu à elle. Beaucoup de gens ne réalisent pas qu’ils se confondent avec leur Persona. La société elle-même pousse à la confusion. Les gens sont encouragés à s’identifier avec « leur meilleure photo de profil ». Au grand dam des adolescents…)
Ces adultes qui jonglent avec plusieurs Personas
Mais revenons à notre adolescent. Étudiant, il s’identifie à tel poète ou tel penseur. Il choisit une couleur politique peut-être, et récolte une Persona politique, il a besoin d’appartenir (voir Alfred Adler et la psychologie individuelle à ce sujet). Devenu adulte, il choisit un travail. Le voilà avec une nouvelle Persona professionnelle. Il devient parent, il récolte la Persona du parent… etc. Jusqu’au jour où il se rend compte qu’il est pareil à un caméléon. Il s’adapte à son milieu grâce à ses différentes casquettes.
Revient le « qui suis-je vraiment ? » qui l’interpelait adolescent. Il va se rendre compte qu’il agit parfois sans se l’expliquer, il est lui-même choqué de ses propres colères. Mettre à jour des systèmes répétitifs dans ses relations amoureuses, amicales, une tendance à s’auto-saboter, à esquiver. Il va s’avouer sa mauvaise foi… Bref il découvre que quelque chose d’autre influence ses actions. C’est l’une des premières étapes de l’individuation. A son insu, il fait la découverte de l’inconscient, de ce qu’il refoule, de ce « ça » qui décide pour lui, à sa place. Il veut reprendre le contrôle, revenir au commandes de sa vie.
Parmi les premières étapes de l’individuation, il faut d’abord se perdre soi-même entre toutes ses masques… pour mieux se retrouver
L’individu a sauté le pas, il est lancé ! Il part à la découverte des complexes autonomes qui gravitent autour de son Moi. Avec peine et courage il les comprend, les vit et les assimile.
Petit à petit il réalise qu’il n’y a plus de raison de chercher à s’identifier à quoi que ce soit. Que toutes les casquettes qu’il a lui restent utiles en société certes. Mais qu’au lieu de dire « je suis ceci » ou « je suis cela » il peut dire « je fais ceci et je fais cela aussi ». Avec la conscience que c’est lui qui pose ses propres limites. Qu’il peut prendre plaisir à jongler avec ses Personas comme dans un jeu de rôles. Avec un recul nouveau. Et qu’il est responsable de tout ce qu’il fait, de tout ce qu’il est. Donc qu’il peut choisir entre se prendre au sérieux ou d’être lucide sur la vanité de l’orgueil.
La première étape de l’individuation serait donc d’abord une prise de conscience. Prise de conscience du caractère artificiel de notre conception de soi-même. Du décalage entre la personne qu’on pense être et celle que les autres projettent sur nous.

La plupart des gens s’identifient à leur Persona
Une fois qu’on a passé ce cap, on entre dans la deuxième étape de l’individuation: on observe comment les gens s’identifient à leur Persona. Par exemple leur statut professionnel, leur porte monnaie, leur voiture. Leurs diplômes, leur entreprise, leurs petits succès… Comme des pantins un peu tristes dans le fond qu’une chiquenaude pourrait briser.
A la différence des autres espèces pilotées par leurs instincts, l’être humain a une conscience réflexive. Cette conscience le place lui-même en tant qu’acteur d’une vaste « comédie humaine ». Balzac a d’ailleurs parfaitement su raconter le cœur du tragique humain. L’être humain recherche l’authenticité pour se libérer de ses conditionnements. Il est tellement conditionné par l’éducation, la civilisation et la culture. Il ressemble à un type proche de tel ou tel personnage de fiction. Ces « types » sont des Personas.
Tenir la comédie humaine à distance est la première étape pour accéder à l’élargissement de la conscience du Soi. Pour pas céder au sort pathétique d’un personnage balzacien.
Devenir soi : un contrat passé avec soi-même sous la surveillance d’un tiers
Être tenté d’avancer tout seul ou de sauter certaines étapes de l’individuation
L’être marche sur la voie de l’individuation et sent les étapes qu’il traverse. Il conçoit la vie comme une expérience. Où traverser le monde et les âges est un moyen. Non pas d’accumuler les richesses ou les souvenirs, mais d’aller « à travers » pour arriver à Soi.
Cette entreprise une fois identifiée et affirmée est certes louable. Mais elle a de grandes chances de rester biaisée et superficielle sans la supervision d’un tiers. En effet, le danger serait d’abord de se sentir autosuffisant et supérieur et de chercher à brûler les étapes pour aller plus vite (on parle alors d’inflation). Alors l’enthousiasme finira par retomber comme un soufflet et l’être en sortira ratatiné et rabougri.
L’importance d’être accompagné et de bien s’entourer
Être accompagné est important. L’individuation, ne se limite pas à la première étape de la prise de conscience. De la découverte du divin en Soi, de la magie de la vie, de la force de l’inconscient, de l’éveil… Peu importe comment on veut nommer cette prise de conscience. Être accompagné est important, c’est un gage de sagesse. Car cela montre qu’on reste conscient de nos limites, de nos faiblesses. Car l’autre est gage d’humilité et d’authenticité.
Lors de certaines phases délicates, cet autre c’est le psy*. C’est aussi l’ami, le conjoint, le frère. Ceux-là ne seront jamais dans l’honnêteté absolue par le regard d’amour qu’ils nous portent. L’oreille du frère et de l’ami sont complémentaires du regard du psy selon moi.
* J’utilise le mot psy car on peut aller voir un analyste jungien, un psychiatre, un psychologue, un psychothérapeute, un psychopraticien… Cela n’a aucune importance, il y a des praticiens formidables dans chaque école. Le bon thérapeute sera celui que vous choisirez au moment où vous en aurez besoin 🙂

L’impartialité du psy permet d’aller plus loin
Le processus d’individuation est en effet ressenti comme une métamorphose sur le long terme. L’être vise un élargissement de sa conscience. Cela passe par une déconstruction de sa propre perception de lui-même. Pour cela il peut être avantageux de se confronter à quelqu’un qui ne cherchera pas à le conforter dans ses illusions. Quelqu’un qui, au contraire, s’efforcera de le secouer chaque fois qu’il cherchera à planter une vérité préconçue comme un clou dans du sable. Quelqu’un qui saura également le freiner s’il a tendance à brûler les étapes et à s’emballer.
L’individuation est bien l’œuvre d’une vie, aussi aller vite en besogne est vain, illusoire et stérile, en plus d’être dangereux. Le psy est le miroir garant de l’équilibre et de la santé mentale. Il est celui qui recadre lorsqu’on aura tendance à s’emballer ou à se perdre. Il ne s’agit pas de souscrire un abonnement chez son psy, mais d’avoir quelqu’un à visiter dans les moments délicats à passer.
Le psy, à la différence de l’ami, est libre de toute projection et maîtrise son contre-transfert. Il sera, pour le patient, tel un miroir lui renvoyant ses propres comportements à méditer. Il le guidera, d’associations d’idées en souvenirs, jusqu’au point de tension à absoudre… Pour passer au niveau suivant.
L’individuation: une course de fond en plusieurs étapes
« L’histoire d’un inconscient qui a accompli sa réalisation » Carl Gustav Jung, in Ma vie
C’est un mode de vie, une manière d’être. Jung écrit dans Ma Vie à 83 ans « Ma vie est l’histoire d’un inconscient qui a accompli sa réalisation ». Il a incarné totalement ce qu’il a jeté sur le papier dans ses livres. Pour autant, il ne nous donne pas des préceptes, des consignes, des instructions, des croyances. Aucune promesse ! Son attitude rationnelle et sa prudence face à ses découvertes lui font honneur.
De même que la vie de Jung fut rythmée par les différentes étapes de son œuvre, l’individuation est l’œuvre d’une vie en plusieurs strates. Elle est éternel retour pour parler comme Nietzsche. Éternel retour sur des complexes, des fantasmes, des peurs. Des « démons » qui, une fois identifiés restent toujours là. Dans la trace qu’ils ont imprimé dans notre personnalité, dans les choix qu’ils nous ont conduits à faire. Dans les endroits où ils nous ont emmenés. Telles des tendances participant, même neutralisées, à notre individualité.

Les étapes de l’individuation sont soumises à l’ « éternel retour »
L’individuation se heurte inévitablement à une étape sans cesse renouvelée : l’« éternel retour. » C’est peut-être ce que Nietzsche essayait de dire – lui seul sait ce qu’il a essayé de dire, et encore rien n’est moins sûr ! 😏 Nietzsche a rendu célèbre cette maxime qu’il a emprunté aux stoïciens. Car le Soi est ce point géométrique aux croisements des différentes forces psychiques qui cohabitent avec le Moi. Donc, à chaque pas, il peut être soumis à déplacement.
Il faut un retour sur Soi régulier, une attention active. Un effort constant de rééquilibrage pour replacer le curseur et rester « centré ». A chaque pas, nos « démons » guettent. Nos souvenirs et nos sentiments de culpabilité, d’échec, de faiblesse, d’incapacité sont prêts à charger. Chaque nouvelle étape vers l’individuation, vers la réalisation de Soi, chaque nouveau cap est un challenge lancé à notre Moi. On doit toujours veiller à ne pas retomber dans la masse, le conforme, la croyance. Et surtout : jamais dans l’immobilisme !
Ne pas oublier la « révision » de soi-même ( et de la voiture)
Pour vérifier qu’on est toujours en mouvement, pourquoi ne pas programmer une « révision » périodique ? Un week-end de solitude et de paresse de temps en temps. Une parenthèse dans sa vie au rythme un peu aliénant. Se demander si on se sent auto-satisfait ou en équilibre ? La deuxième réponse est la bonne. Se sentir « en équilibre » c’est être actif, alerte. En un mot : vivant.
L’interprétation des rêves, de manière régulière, permet de « réviser » où on en est. C’est pourquoi tenir un cahier des rêves est une excellente chose. Lorsqu’on devient crédule, inattentif, dupe. Victime de sa propre passivité, un rêve arrive pour nous tirer l’oreille !
J’ai conscience qu’en formulant ceci, je me positionne à contre-courant de certaines écoles de bien-être. Mais je ne vois pas la béatitude d’un bon œil. Se sentir auto-satisfait doit, à mon sens, sonner comme une alarme. Le petit pois sous les dizaines de matelas est là pour rappeler à la princesse sa noblesse. Cette allégorie issue du conte « La princesse au petit pois » qu’étudie mon fils à l’école pour conclure.
Je pense que contrairement à ce que vendent les chantres du bien-être, l’accomplissement de Soi ne s’atteint pas dans l’immobilité. La répétition d’un mantra suppose que l’on ploie devant une école de pensée donnée. Or la réalisation n’est possible que dans l’instabilité du point d’interrogation. L’individuation est une marche jalonnée d’étapes, ou les forces opposées qui agitent l’âme engendrent une nouvelle synthèse. Sans cesse renouvelée.
N’hésitez pas à partager votre expérience en commentaire, et à me poser vos questions. Je vous répondrai avec plaisir 🙂
Faites de beaux rêves et notez les!
Léa Le Gall
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4 Commentaires:
Bonjour Léa
pour l’ensemble de vos travaux et votre blog, bravo !!, pour vos partages qui élève l’humanité merci et bravo _()_ _()_ _()_
Merci c’est très gentil, ce n’est qu’un début, je vais essayer d’être régulière ! Belle journée à vous 🙂
Bonjour Léa . Il n’y a pas de Persona , d’influences… Je ne sais qui je suis et suis fatiguée de chercher . Je suis toujours bloquée à l’âge de 13 ans où j’ai arrêté de grandir après le départ de ma Marraine et de sa fille Nathalie et de mon ami Jacques et de Ricka sa chienne . J’aime les chats et tous les animaux , je suis dans le top 5 des meilleurs joueurs de scrabble sans savoir pourquoi . Je réponds à des questions sans avoir étudié . J’ai été déclaré sensitive , empathique et éponge à émotions et suis dépressive chronique et handicapée . Presque toujours seule , même pour Noël . Je suis à la recherche d’une mère de substitution car ma mère m’a dit que je suis un accident et trop fragile . Pas d’amis ni d’animaux . Je rêve toujours de ménage sous des formes différentes à chaque fois . En essayant d’analyser , je pense que je dois faire du ménage dans mon esprit . Je ne suis qu’une petite fille qui veut de l’amour et qui fait beaucoup de cadeaux à tout ceux que je côtoie . Mon médecin dit que ça ne fait pas , mais je lui réponds que chez moi , ça se fait . Je pense que c’est égoïste car cela me fait plaisir de faire plaisir et apporte des sources de sérotonine , ocytocine pour aller bien . Mon Papa dit que je suis très généreuse. Je sais que j’ai du caractère , persévérante , bavarde , barbante… Sauf quand je suis seule . Ma chambre est une chambre de petite fille avec des poupées et peluches . Après la petite fille , il y a la personne qui gère le quotidien et a tendance à anticiper , mais ne sais pas trop gérer les émotions . Je ne suis pas très appréciée à cause de trop de franchise et d’impulsions . L’individuation ne me parle pas du tout parce que tout est expliqué ne me correspond pas . Il n’y a pas de masques ni rien d’autre . C’est un décalage . J’en ai pleuré . Je vous remercie infiniment . Cordialement Béatrice Demuys .
Bonjour béatrice, je vous comprends. L’individuation n’est qu’un mot pour raconter les difficultés à « être » et la beauté et les écueils du chemin. Comme « sensitive, empathique et éponge à émotion » ce ne sont que des étiquettes qui ne vous définissent pas!
Vous traversez une période difficile, ce que vous décrivez avec courage, je suis sûre que tout le monde le ressent mais ne le dit pas. Vous êtes intelligente, vous vous remettez en question et avez identifié les zones de blocages. Nombreux sont ceux qui ne seraient pas capable de se regarder avec autant de recul croyez moi! Ne soyez pas dure avec vous même. Eviter d’essayer d’analyser seule, faites vous accompagner par quelqu’un de bienveillant qui saura vous redonner confiance en vous et retrouver le moral, le moral c’est l’énergie vitale et il faudrait toujours le soigner et en prendre soin. Retourner à vos treize ans dans le cadre d’une psychothérapie me parait nécessaire.
Il y a des gens formidables qui font un excellent travail à condition d’être ok avec l’idée que c’est un travail long, nécessaire, parfois douloureux et qu’il est impossible d’aller vite en besogne. Certaines phases de l’analyse font beaucoup pleurer car les noeuds se dénouent. Si le psy qui vous accompagne ne vous correspond pas, essayez en d’autres! En tant qu’analyste, j’ai moi-même mon analyste chez qui je vais depuis des années (un psychiatre plutôt freudien d’ailleurs, mais comme je vous disais les étiquettes ne sont pas intéressantes, l’humain est richesse), question d’éthique d’abord mais aussi car il me serait impensable de m’en passer car ça me permet de faire le ménage dans mes émotions, comme vous le dites si bien.
Les Persona ce sont ces différentes facettes: la petite fille, la femme qui gère le quotidien, la personne sensible qui a du mal à ne pas souffrir plus fort que les autres, la joueuse de scrabble… Evitez de trop fouiller internet pour vous coller de nouvelles étiquettes, il faudrait toutes les refuser car vous êtes unique. Je dors avec un lapin, je fais des cadeaux à la main (tableaux, attrapes rêves), les émotions sont des raz de marée parfois pour moi aussi mais j’ai avancé suffisamment pour être fière de mon enfant intérieur aussi car il me relie à d’où je viens et voit la vie avec fraîcheur.
Bonne chance, vous avez toutes les cartes entre vos mains, la sensibilité et l’intelligence, faites le premier pas pour vous-même, persévérez et tout ira mieux.
Léa Le Gall